OSTEOPOROSE ET PERTE OSSEUSE

L’ostéoporose est une maladie qui fragilise le squelette, et qui accentue donc la propension à la
fracture. Il est une idée reçue que l’ostéoporose n’atteint que les femmes après la ménopause. La
carence en oestrogène qui suit le début de la ménopause dérègle et accélère en effet les cycles de
remodelage osseux, mais il ne s’agit pas de l’unique cause de fragilisation des os. De nombreux
autres facteurs peuvent avoir une incidence sur les acteurs du remodelage osseux et à différents
niveaux.
Les femmes ménopausées ne sont donc pas les seules personnes à risque d’ostéoporose. Et toutes
les personnes âgées non plus ne sont pas à risque. En France, 4 femmes sur 10 atteignant l’âge de la
ménopause (soit 2 à 3 millions) et 1 homme sur 5 (près de 800 000) auront une ou plusieurs
fractures ostéoporotiques passé l’âge de 50 ans. Au-delà de 80 ans, 50% des femmes sont
ostéoporotiques (27).
L’ostéoporose est une maladie silencieuse, dans le sens où elle ne présente aucun symptôme
apparent. La fragilisation du squelette n’est pas douloureuse, mais continue. Si bien qu’une
conséquence de la maladie est la survenue de fractures spontanées, ou suite à un trauma d’ordre
mineur tel que la chute à hauteur d’homme. Ce caractère silencieux fait qu’en 1996 on estimait aux
Etats-Unis que (28) :
- 77% des femmes ostéoporotiques ne sont ni diagnostiquées, ni traitées.
- 14% des femmes ostéoporotiques sont diagnostiquées, et non traitées.
- 9% des femmes ostéoporotiques sont diagnostiquées et traitées
Le dépistage et la prise en charge de la maladie ont évolué depuis, mais les efforts dans ce sens
doivent pourtant être améliorés. En effet avec le vieillissement de la population, le nombre de
fractures ostéoporotiques et les conséquences socio-écnomiques vont « exploser », et font déjà de
l’ostéoporose un problème de santé public majeur.
Dans ce chapitre, nous verrons dans un premier temps l’aspect physiopathologique de la maladie,
puis les aspects épidémiologiques, notamment en termes d’incidence de fractures. Enfin nous
aborderons brièvement les traitements existants contre l’ostéoporose.

2.1 PHYSIOPATHOLOGIE

2.1.1 Définition de l’ostéoporose

Un consensus a pu être trouvé lors d’une conférence internationale, définissant l’ostéoporose
comme « une maladie systémique du squelette caractérisée par une masse osseuse abaissée et une
altération de la microarchitecture osseuse, responsables d’une fragilité osseuse accrue et donc d’un
risque fracturaire élevé » (29).
Cette définition a été enrichie en 1994 de critères diagnostiques basés sur des résultats
d’absorptiométrie osseuse, ou densitométrie (DXA) par un groupe d’experts auprès de l’OMS. Cette
définition densitométrique indique une ostéoporose si la mesure de la densité minérale osseuse
(DMO) est inférieure de plus de 2,5 déviations standards (DS) à la moyenne de référence (30,31). La
moyenne et l’écart-type sont des valeurs de référence qui sont obtenues pour une population jeune
dont la période de croissance est terminée, au moment où le capital osseux a atteint son maximum
qu’on appelle le pic de masse osseuse. Ces valeurs servent à normaliser les résultats de DMO pour
faciliter la lecture du résultat pour le clinicien. Le résultat normalisé est nommé T-score, et est
calculé selon la formule suivante (32) :






Courbe représentant la diminution de la DMO avec l’âge, avec le tableau définissant les 4 statuts osseux, qui représente l’outil de référence pour le diagnostic de l’ostéoporose.

Figure 10 : Courbe représentant la diminution de la DMO avec l’âge, avec le tableau définissant les
4 statuts osseux, qui représente l’outil de référence pour le diagnostic de l’ostéoporose.

Ces critères de diagnostic ont été établis pour des examens de densitométrie fait à la hanche, au
rachis lombaire ou à l’avant-bras. Ceci étant, le calcul d’un T-score peut être généralisé pour des
mesures faites par d’autres techniques (scanner, ultrason…), à d’autres sites osseux. Des études ont
été menées pour tenter d’établir des équivalences avec les résultats de la densitométrie osseuse,
mais dans la majorité des cas, les T-scores sont associés à une prévalence de l’ostéoporose ou des
risques de fracture qui sont différents, et l’équivalence avec la DXA n’a pas été établie (Tableau 1)
(33-35).


Les recommandations de 1994 ont récemment été mises à jour (36). Les critères de diagnostic
restent similaires à ceux de 1994, mais le col fémoral est spécifié comme site de référence et les
valeurs de référence de la population NHANES III (femmes de 20 à 29 ans (36,37)) sont
recommandées pour la normalisation des résultats. Par ailleurs, une adaptation des critères
diagnostiques est proposée pour le diagnostic des hommes.
Le choix du col fémoral a plusieurs raisons. D’abord la fracture de hanche est la complication la plus
grave de l’ostéoporose en termes de morbidité, mortalité et coûts socio-économiques (38). Ensuite
les mesures de DMO à la hanche ont la valeur prédictive la plus importante pour les fractures de
hanche (39), et prédisent aussi bien les fractures à d’autres sites (vertèbres, poignet) que les
mesures de DMO faites à ces mêmes sites (40,41).
On distingue deux types d’ostéoporose : une forme dite primitive, et l’autre dite secondaire ou
idiopathique. L’ostéoporose primitive est celle liée à l’âge, cela comprend l’ostéoporose
ménopausique qui est la plus connue, ainsi que l’ostéoporose sénile qui atteint les deux sexes après
75 ans. Les ostéoporoses secondaires sont des cas plus rares et peuvent être liées à la prise de
certains médicaments comme les corticoïdes (42), à des maladies endocriniennes (hypogonadisme,
hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie (43)…), à des maladies métaboliques (malabsorption intestinale
(44), insuffisance rénale chronique…), à des maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite
rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante…) (45), à des maladies hématologiques (myélome
multiple…) mais aussi à d’autres causes telles que l’anorexie nerveuse, l’alcoolisme ou le tabagisme
chronique (46,47).
Chez la femme, la grande majorité (près de 90%) des ostéoporoses est primitive alors que chez
l’homme, les ostéoporoses secondaires comptent pour au moins 50% des cas. D’autant plus que
l’ostéoporose masculine est généralement le résultat d’une association de plusieurs facteurs de
risque.

2.1.2 Facteurs hormonaux

La carence oestrogénique joue, dans les deux sexes, un rôle déterminant dans les mécanismes de la
perte osseuse liée au vieillissement (48). Chez la femme, l’arrêt brutal à la ménopause de la
sécrétion oestrogénique ovarienne est responsable d’une augmentation du remodelage osseux et de
l’installation d’un déséquilibre négatif entre résorption et formation osseuse. En effet la carence
oestrogénique est associée à la production de nombreuses cytokines libérée au niveau de la moelle
osseuse, telles que des TNF􀄮, IL-1, IL-6 et RANKL, qui stimulent la résorption osseuse. Cela a pour
conséquence une diminution du matériel osseux, mesurable par densitométrie, et une altération de
la microarchitecture corticale et trabéculaire. Chez l’homme, la diminution progressive, de grande
variabilité inter-individuelle, et non brutale, de la sécrétion androgénique testiculaire liée au
vieillissement explique que la perte osseuse soit moindre ; celle-ci s’explique aussi par le
vieillissement ostéoblastique et l’hyperparathyoïdie secondaire à la carence en vitamine D.
D’autres conditions pathologiques associées à une déficience oestrogénique, telle que l’anorexie
nerveuse, l’aménorrhée secondaire lié au sport intensif, les anti-aromatases ou l’utilisation
d’inhibiteurs de la sécrétion de gonadotropines, ont pour conséquence une perte osseuse accélérée.
D’autres causes endocriniennes peuvent conduire à une perte osseuse. Par exemple,
l’hyperparathyroïdie primitive accroît la fréquence d’activation du remodelage osseux, qui entraîne
une réduction du volume d’os trabéculaire, mis en évidence par l’histomorphométrie. Un excès
d’hormone thyroïdienne (comme dans l’hyperthyroïdie, ou dans des traitements qui utilise cette
hormone pour freiner la sécrétion de TSH) augmente la vitesse du remodelage osseux.
Les glucocorticoïdes ont également un effet sur la perte osseuse, principalement en réduisant la
formation osseuse (42). De plus il a été démontré que l’administration excessive de glucocorticoïdes
diminuait l’absorption intestinale de calcium1.

2.1.3 Facteurs génétiques

Le patrimoine génétique détermine de 50% à 80% du capital osseux, la variabilité restante étant
sensibles aux conditions environnementales (49). L’hérédité est donc un déterminant important du
capital osseux acquis en fin de croissance et peut également influencer la perte osseuse relative à
l’âge. Les noirs ont en moyenne une densité osseuse plus élevée que les caucasiens ou les asiatiques
(50-52). Les filles de mère ostéoporotique ont une DMO plus basse et font davantage de fractures
que les filles de mère non ostéoporotique. Cependant, un gène unique codant pour l’ostéoporose
n’a pu être identifié ; le déterminisme de l’ostéoporose est multigénique (49).

Des études épidémiologiques ont montré que les polymorphismes du gène codant pour le collagène
de type I alpha 1 (COL1AI) étaient corrélés avec la DMO et la survenue de fractures. Ceci a été relié
à la formation d’un homotrimère (plutôt que l’hétérotrimère décrit au paragraphe 1.2.1.1) de
collagène dans le génotype ostéoporotique (53). Les polymorphismes de nombreux autres gènes
sont également à l’étude, tels que ceux du récepteur de l’oestrogène, de la vitamine D, d’IL-1, du
TNF􀄮 ou d’OPG.

2.1.4 Facteurs environnementaux

Les conditions environnementales pouvant avoir une influence sur le capital osseux constitué
pendant la croissance sont l’alimentation, l’hygiène de vie et l’activité physique. Il a été montré
que des enfants en carence de calcium ou ayant une faible activité physique peuvent avoir un
capital osseux moins important que la normale (52). Ces mêmes conditions chez un adulte
pourraient entraîner une perte osseuse accélérée (54,55).

2.1.4.1 Facteurs nutritionnels

2.1.4.1.1 Calcium et vitamine D

Des désordres d’origines environnementales (apports nutritionnels en calcium) ou métaboliques
(synthèse de la vitamine D) peuvent être la cause de la fragilisation osseuse.
Chez l’adulte et particulièrement chez la personne âgée, le calcium contribue à la préservation du
tissu osseux. Une diminution de cette absorption peut être causée par exemple à une baisse de la
consommation de produits laitiers. Mais cela peut aussi avoir pour origine un trouble métabolique
par le défaut de synthèse de la vitamine D qui arrive avec l’âge. En effet, le calcium est absorbé
par l’organisme au niveau des intestins, et se réalise par l’intermédiaire de la vitamine D. Lorsque
la synthèse cutanée et l’apport alimentaire de vitamine D se détériorent, sans une supplémentation
appropriée (exogène ou cutané), le métabolisme du calcium est affecté, dans le sens d’une perte
osseuse (54,55). Par ailleurs, de récentes études attribueraient à la vitamine D un rôle dans
l’ostéoclastogénèse, et dans la régulation de RANKL et d’OPG (56).

2.1.4.1.2 Protéines

L’insuffisance d’apport protéique a un effet négatif sur le statut osseux. En période de croissance,
elle contribue à la déminéralisation. Dans la population vieillissante, c’est un facteur de risque de
fracture, notamment de la hanche : l’insuffisance d’apport protéique accélère la perte osseuse et
majore la sarcopénie (fonte musculaire) et la mauvaise coordination des mouvements, qui elles
mêmes favorisent les chutes et augmentent donc le risque de fracture (57,58). De plus, une
diminution de l’épaisseur des tissus mous au niveau de la hanche, qui peuvent amortir les chutes,
diminue la force nécessaire pour causer la fracture (59).

Les protéines agissent notamment en stimulant la synthèse hépatique d’un facteur de croissance,
l’IGF1 qui est, comme précisé dans le paragraphe 1.2.2.1., un activateur de la différenciation des
ostéoblastes. Les femmes âgées ayant un taux faible d’IGF-1 sont davantage exposées aux fractures
de hanche (60), et un régime plus riche en protéines permet de protéger partiellement de la perte
osseuse chez les sujets âgés (61,62). Par ailleurs, une étude prospective effectuée chez plus de
40 000 femmes de l’Iowa (Etats-Unis) a montré qu’un plus grand apport protéique était associé à
une réduction du risque de fracture de la hanche (63). En fait, les études récentes montrent que les
protéines n’ont pas d’effets délétères lorsque les apports calciques sont suffisants (61,62).
En outre, on considère généralement que l’excès de protéines entraîne une fuite urinaire de
calcium, par le biais d’une acidose. De nombreuses études ont montré une relation entre l’apport
protéique et le métabolisme du phospho-calcique, le métabolisme osseux, et concluent qu’une
déficience ou un excès de protéines peut affecter négativement la balance calcique (55). Un
argument indirect en faveur de l’effet délétère d’un apport protéique élevé sur l’os est que la
fracture de hanche semble beaucoup plus fréquente dans les pays ayant un apport élevé de
protéines animales (64). Cependant cet aspect est à nuancer car les pays dans lesquels l’incidence
des fractures de hanche est la plus grande sont ceux ayant la plus longue espérance de vie.

2.1.4.1.3 Autres nutriments

La vitamine K participe à la minéralisation de l’os. Il a été montré que des patients ayant eu une
fracture de hanche présentaient une carence en vitamine K1 et K2 (55). Cependant, un effet
préventif de l’ostéoporose par la prise de vitamine K n’a pas été observé.
Le magnésium, qui intervient dans le métabolisme de l’hormone parathyroïdienne, peut affecter de
façon indirecte le métabolisme osseux (55). Néanmoins, son rôle spécifique sur le maintien de la
masse osseuse chez l’adulte n’a pas été identifié.
De nombreuses études sur l’animal et/ou sur l’humain suggère que l’aluminium, le zinc, le
manganèse, le cuivre et, à des doses très faibles, les vitamines B6, B12 et C pourraient avoir un
effet protecteur sur l’os (55). Cependant, leurs rôles respectifs sur le métabolisme osseux restent
encore à préciser.

2.1.4.2 Activité physique

L’activité physique est une source de stimuli mécaniques importants pour la constitution du pic de
masse osseuse. Il a été montré que des enfants exerçant un sport de haut niveau pouvaient
accroître la taille et le contenu minéral osseux (CMO) pendant la période de croissance (52,65), et
même que des activités moins intenses mais régulières (jeux, danse, éducation physique et sportive)
pouvaient améliorer la masse osseuse. Une étude longitudinale, menée sur une durée de 6 ans sur
53 filles et 60 garçons, a montré que les garçons et les filles les plus actifs avaient un CMO plus important que leurs camarades inactifs. Cela a été mesuré au rachis lombaire, au col du fémur ou
plus généralement sur une mesure faite sur le corps entier (66). Le CMO du corps entier des enfants
les plus actifs est 9 et 17% plus important un an après l’arrêt de la croissance que celui des garçons
et des filles inactives respectivement (Figure 12). En moyenne, 26% du CMO total chez l’adulte est
accumulé pendant les 2 ans autour du pic de masse osseuse.


 Par opposition, l’immobilisation est une cause de perte osseuse. Des études ont montré que
l’immobilisation forcée chez des volontaires sains résultait en une diminution de la masse osseuse.
Une perte osseuse est notamment mise en évidence chez les astronautes au retour de leurs missions
spatiales, et ce en dépit d’exercices physiques réguliers. Dans ce cas précis, c’est l’apesanteur qui
est mise en cause, qui amoindrit les charges mécaniques que peuvent supporter le squelette (67).
Ces observations soulignent l’importance d’une activité physique dite « en charge », telle que la
course à pied, pour maintenir la solidité du squelette.
Au niveau cellulaire, l’immobilisation résulte dans une résorption osseuse accrue, associée à une
diminution de la formation osseuse. Cette rupture de l’équilibre pourrait être imputée aux
ostéocytes. Chez des souris dont les ostéocytes ont été éliminés, il n’a pas été observé de perte
osseuse suite à l’immobilisation (68).
2.1.4.3 Alcool et tabagisme
La consommation excessive d’alcool et l’alcoolisme chronique sont des facteurs de risque de
l’ostéoporose, particulièrement chez les hommes. Cela est dû à la toxicité de l’alcool sur les
ostéoblastes, et aussi parce que l’excès d’alcool est souvent associé à des désordres nutritionnels
(46,47). On notera par ailleurs que l’alcoolisme augmente la propension à la chute, et donc le
risque de fracture.
Le tabagisme est également associé à un risque accru de fractures ostéoporotiques dans les deux
sexes (69). En effet, le tabagisme réduit la production d’oestrogènes, accélère leur dégradation et a
un effet toxique direct sur les ostéoblastes. Il en résulte une perte osseuse et une augmentation du
risque de fracture. Le tabagisme est aujourd’hui identifié comme un risque de fracture (70).

2.2 EPIDEMIOLOGIE

2.2.1 Ostéoporose et fractures

L’OMS a classé l’ostéoporose comme l’un des principaux problèmes de santé de notre temps, qui
doit s’amplifier dans les années à venir avec le vieillissement de la population. En France, 40% des
femmes ménopausées et 20% des hommes auront une ou plusieurs fractures ostéoporotiques passé
l’âge de 50 ans (27).
Les fractures sont l’expression clinique de l’ostéoporose. Les estimations de l’OMS à l’horizon 2050,
sont de 6,3 millions de fractures du col du fémur (30). Bien que la prévalence des fractures soit
similaire chez les hommes et chez les femmes tout au long de la vie, la grande majorité des
fractures ostéoporotiques intervient chez les femmes âgées. Cela s’explique par un pic de masse
osseuse plus faible chez les femmes et à une perte osseuse liée à la ménopause (71). De plus
l’espérance de vie des femmes étant supérieure à celle des hommes, elles sont exposées à une
masse osseuse réduite pendant une plus longue période. De ce fait, après 50 ans, le risque d’avoir
une fracture est de 46,4% pour les femmes et 22,4% pour les hommes (Tableau 2) (72). Chez la
femme, le risque de fracture de la hanche est supérieur aux risques combinés des cancers du sein,
de l’endomètre et des ovaires.




Les fractures ostéoporotiques les plus importantes sont la fracture du poignet, ou fracture de
Pouteau-Colles qui survient à partir de 45-50 ans, la fracture vertébrale qui survient plutôt après
l’âge de 65 ans, et la fracture de l’extrémité supérieure du fémur qui survient plus tardivement vers
80 ans (Figure 14). Ainsi la fracture du poignet chez une femme ménopausée doit être considérée comme un signe d’une éventuelle fragilité osseuse, et doit donc faire l’objet d’un examen clinique
pour la recherche de facteurs de risque de l’ostéoporose ainsi qu’une ostéodensitométrie.


Figure 12 : Incidence des fractures ostéoporotiques en fonction de l’âge et du sexe (72,73).

2.2.1.1 Fractures vertébrales
Les fractures vertébrales, autrefois appelées tassements vertébraux, sont les plus communes. On
estime à un tiers le nombre d’entre elles qui sont diagnostiquées cliniquement. En effet, le
diagnostic se fait souvent tardivement lorsque le patient se plaint de douleurs dorsales, alors que la
fracture peut avoir eu lieu bien avant et n’entraîne pas systématiquement de douleur identifiable
selon le degré de déformation de la vertèbre. Par ailleurs, moins de 10% des cas nécessitent une
hospitalisation suite à ce type de fracture (74). La prévalence de ces fractures augmente avec
l’âge. Par exemple en Europe, la prévalence croît de 11,5% chez les femmes âgées de 50 à 54 ans à
34,8% chez les femmes âgées de 75 à 79 ans (75). Plus généralement, 25% des femmes ménopausées
ont eu une fracture vertébrale.

2.2.1.2 Fractures de la hanche

L’incidence des fractures de la hanche augmente exponentiellement avec l’âge, augmentant très
faiblement au moment de la ménopause puis de façon dramatique vers 70 ans. Comme évoqué plus
haut, le nombre de fracture de la hanche dans le monde devrait passer de 1,66 millions en 1990 à
6,26 millions en 2050 (38,72). En Europe, il devrait plus que doubler dans les 50 prochaines années,
passant de 414 000 à 972 000 (76).
A partir de 50 ans, le risque de fracture de la hanche est estimé à 17% chez les femmes et entre 6 à
10% chez les hommes. En France l’incidence des fractures de hanche est 3 fois plus élevée chez les
femmes que chez les hommes. Ce ratio est moins élevé dans d’autres pays, mais toujours supérieur à 1 avec beaucoup de variation d’un pays à l’autre : 2,9 en Espagne et au Portugal, 2,3 en Grèce et
1,4 en Turquie.

2.2.1.3 Fractures du poignet

C’est chez les femmes que la fracture du poignet est la plus fréquente, en effet 85 à 90% des
fractures du poignet surviennent chez les femmes. Contrairement aux fractures vertébrales ou de la
hanche, l’incidence avec l’âge des fractures du poignet augmente après la ménopause pour
atteindre rapidement un plateau (Figure 12). Il est suggéré que ce phénomène est lié au fait que les
femmes plus jeunes ont tendance à se rattraper sur leurs mains lors d’une chute, alors que les
personnes plus âgées n’ont pas le réflexe de le faire du fait d’une coordination neuromusculaire
moins bonne, ce qui dans ce dernier cas favorise la fracture de la hanche (77).

2.2.1.4 Coûts des fractures

En 2000, le nombre et le coût direct des fractures ostéoporotiques en Europe a été estimé chez
l’homme et la femme (Tableau 3) (78).


2.2.2 Incidence des fractures sur la qualité de vie

Les séquelles d’une fracture de hanche sont souvent sévères. Chez les personnes âgées, elles
résultent en une infirmité permanente chez plus de 30% des patients et à un décès chez 10 à 20%
d’entre eux dans l’année qui suit la fracture. En raison des conditions pathologiques associées à la
survenue de ces fractures, la morbidité et surtout la mortalité sont plus élevées chez l’homme : le
taux de mortalité au cours du premier mois est estimé de 10 à 14% contre 5% chez la femme. Les
fractures de hanche conduisent également à des dépendances physiques et des
institutionnalisations. Une étude a montré qu’un an après une fracture de hanche, 40% des patients
étaient incapables de se déplacer seul, 60% étaient dans l’incapacité d’effectuer une tâche de la
vie courante (conduire ou faire des courses) et que 80% des patients étaient incapables d’effectuer
une tâche de la vie courante seul (38).
Les fractures vertébrales sont une cause importante de douleurs dorsales et de perte de taille chez
les personnes âgées. Elles sont également associées à des cyphoses, qui entraînent des problèmes
respiratoires (79), et à une mortalité accrue (38).

Taux de mortalité pour des patients fracturés et dans la population générale en fonction du sexe et de l’âge (80).

Figure 13 : Taux de mortalité pour des patients fracturés et dans la population générale en
fonction du sexe et de l’âge (80).

2.2.3 Le cas de l’ostéopénie

Siris et collègues ont observé dans l’étude NORA – une étude observationnelle, multicentrique et
longitudinale composée de 200 160 femmes ménopausées de plus de 50 ans – que le taux de
fractures par fragilité est effectivement le plus important chez les femmes ostéoporotiques au sens
de la densitométrie (T-score < -2,5 DS) (81). Cependant, ce résultat a été mis en parallèle avec le
nombre absolu de fractures par fragilité, dont la distribution est centrée sur le groupe des femmes
ostéopéniques (Figure 14). Cela est notamment du au fait que les femmes ostéopéniques sont plus
nombreuses que les femmes ostéopéniques. Le critère de diagnostic « T-score<-2,5 DS » n’a
identifié que 18% des fractures ostéoporotiques, alors 52% de ces fractures sont arrivées chez des
femmes ostéopéniques, pour lesquelles un traitement anti-ostéoporotique n’est pas recommandé
actuellement. Ces résultats étaient basés sur la mesure de la DMOs de l’avant bras, qui n’est
pourtant pas reconnu comme étant un site de référence.
Par la suite, Wainwright et collègues ont rapportés des résultats similaires à partir de données de
DMOs mesurés à la hanche dans l’étude SOF (« Study of Osteoporotic Fractures ») (82). Par ailleurs,
ces résultats ont été retrouvés dans les cohortes OFELY (83) et Rotterdam (84). Ces résultats ont
soulevé le débat sur la sensibilité et la spécificité de la DXA quant à la définition de l’ostéoporose,
car l’absence de prévention des fractures chez les femmes ostéopéniques implique de lourdes
conséquences socio-économiques. Ils soulignent également le besoin de trouver un critère de diagnostic complémentaire à la DXA, de façon à pouvoir déterminer quelles sont les femmes
ostéopéniques qui sont à risques de fractures ostéoporotiques.

Figure 14 : Taux et distribution des fractures en fonction de la DMO (81).

2.3 TRAITEMENTS

La stratégie actuelle de la prise en charge de l’ostéoporose vise à réduire le risque de fracture.
Une première cible de cette stratégie est la réduction du risque de chute du patient (85,86) :
- correction de l’acuité visuelle
- prise en charge des troubles neuromusculaires ou orthopédiques
- adaptation de l’environnement domestique (lumière, points d’appuis…)
- adaptation des traitements en cours qui peuvent affecter l’équilibre (somnifères ou
tranquillisants)
Ensuite, il est recommandé de rechercher d’éventuelles carences en calcium et/ou vitamine D
avant d’envisager la mise en route de traitements pharmacologiques, qui seront brièvement
présentés au cours de ce paragraphe.

2.3.1 Les traitements existants

2.3.1.1 Calcium et vitamine D

Comme nous l’avons vu au paragraphe 2.1.4.1.1, calcium et vitamine D sont des substances qui
lorsqu’elles sont en défaut peuvent conduire à une perte osseuse accélérée. Une carence de l’une
des deux substances fait en général l’objet d’une supplémentation alimentaire et/ou
thérapeutique. En effet, une carence en vitamine D et calcium peut être une cause d’une
hyperparathyroïdie secondaire, qui peut entraîner une accélération du remodelage osseux dont les
effets sont délétères sur l’os cortical notamment.
Cependant, les études sur de telles supplémentations isolées comme seule prise en charge de la
maladie sont mitigées quant à leur efficacité anti-fracturaire (86-88). Des méta-analyses ont montrés une réduction du risque de fracture de 13 à 26%, et une réduction du risque de chute de
19 à 26% avec une supplémentation journalière en vitamine D de 700 à 800 UI. Alors que d’autres
ont montré une augmentation non significative du risque de fracture de la hanche associée à une
supplémentation en vitamine D. Une étude clinique récente sur 2 256 femmes (âge moyen 76 ans) a
testé les effets d’une prise orale annuelle de 500 000 UI1 de vitamine D contre placebo, sur une
durée de 3 à 5 ans en cherchant à tester l’hypothèse d’un effet bénéfique de la vitamine D comme
seul agent anti-ostéoporotique (87). Les résultats obtenus vont à l’encontre de cette hypothèse, car
on relevait 15% de chutes en plus chez les femmes ayant reçu la dose annuelle de vitamine D et
26% de fractures en plus par rapport au groupe placebo. Ces résultats mettent en avant un effet
dose qui semblerait plus efficace si elle est répartie dans l’année plutôt qu’en une seule prise
unique, sous réserve d’une bonne observance du traitement.
Classiquement, ces supplémentations accompagnent souvent un traitement anti-ostéoporotique tel
que l’un de ceux qui suivent de façon à rétablir les taux de calcium et vitamine D en cas de
carence.

2.3.1.2 Les bisphosphonates

Les bisphophonates constituent une famille d’agents chimiques découverte dans les années 60, dont
l’affinité aux cristaux d’hydroxyapatite est importante. Suivant la formulation du principe actif,
leur mode de prescription est variable, tout comme leur assimilation et leur élimination par
l’organisme.
Ces molécules inhibent la fonction des ostéoclastes avec une amplitude plus ou moins importante.
Du fait du couplage entre résorption et formation osseuse, les bisphosphonates inhibent la
formation osseuse, ce qui globalement diminue le remodelage osseux.
Actuellement, les bisphophonates principalement utilisés dans la pratique clinique sont :
l’alendronate, le risédronate, l’ibandronate et le zolédronate. Dans l’ensemble, les études cliniques
montrent les bénéfices de ces traitements par un gain substantiel de la DMO mesurée par DXA et de
la réduction de l’incidence de fractures ostéoporotiques. Pour l’alendronate, le gain de DMO peut
aller jusqu’à 6% sur 4 ans, pour une réduction jusqu’à 55% de l’incidence des fractures vertébrales
et 49% pour les fractures non-vertébrales (88,89).
Il n’existe pas de recommandations sur la durée d’un traitement par bisphosphonates, sujet qui fait
débat (86). En effet, certains résultats montrent qu’au-delà de 5 ans de traitements, on n’observe
que peu d’effets bénéfiques. Par ailleurs, la question de l’inhibition du remodelage osseux pendant
une durée si longue pose des questions notamment par rapport à l’accumulation de microdommages
au sein de l’os, mais celle-ci n’a pas été mise en évidence chez l’humain (90), seulement dans des
modèles canins à forte dose, sans affecter substantiellement les propriétés mécaniques (91).
Enfin, parmi les effets secondaires de ce type de traitement, il y a la rare complication de
l’ostéonécrose de la mâchoire, observée essentiellement chez des patients atteints de cancer.

2.3.1.3 Les modulateurs spécifiques de l’activation des récepteurs des

oestrogènes

Le raloxifène est une molécule indiquée pour la prévention ou le traitement de l’ostéoporose chez
la femme ménopausée. Cette molécule se lie et active les mêmes récepteurs que les oestrogènes au
niveau des os. Ce traitement permet ainsi de freiner l’accélération de la résorption osseuse
provoquée par la déficience en oestrogène conséquente à la ménopause.
Delmas a montré dans un essai randomisé qu’il y a un gain modéré de DMO de la hanche et de la
colonne allant jusqu’à 2% sur les deux premières années de traitement par raloxifène, alors que le
groupe placebo voyait sa DMO diminuer d’1% environ (92). Les études cliniques ont montré sur le
long terme son efficacité anti-fracturaire au niveau du rachis lombaire (réduction de 36% sur 4 ans),
mais pas à la hanche (88). Par ailleurs le raloxifène permet aussi de diminuer le risque de cancer du
sein chez la femme ménopausée (93). Cependant, il amplifie aussi les symptômes vasomoteurs, et
le risque de thrombose veineuse.
Le raloxifène offre donc une alternative pour les patientes ménopausées qui montrent une
intolérance aux bisphophonates, dont le risque du cancer du sein est élevé, mais sans symptômes
vasomoteurs ou d’historique de thrombose veineuse.

2.3.1.4 Le tériparatide

Le tériparatide (ou parathormone 1-34) est une hormone parathyroïdienne recombinante humaine,
synthétisée pour un usage thérapeutique, avec un effet anabolique sur le remodelage osseux. Ce
médicament est prescrit en injection sous-cutanée quotidienne pour une durée maximale de 18
mois, majoritairement pour des femmes ménopausées présentant une ostéoporose sévère.
Présente naturellement dans l’organisme, cette hormone peut causer des troubles du remodelage
osseux dans des cas d’hyperparathyroïdie par exemple. Dans ce cas précis, la concentration
constamment élevée de cette hormone dans le sang stimule le remodelage osseux de façon
importante et peut détériorer l’os cortical notamment (43).
Cependant, un effet anabolique stimulant la formation osseuse uniquement peut être obtenu si la
concentration de cette hormone est augmentée de façon intermittente et brève. C’est cet effet qui
est recherché par la prescription d’une injection quotidienne.
Après 18 mois de traitement, on observe une augmentation de la DMO de 9,7 ± 7,4% au rachis
lombaire, de 2,6 ± 4,9% à 3,5 ± 6,8% à la hanche (94). Le traitement est efficace et durable quant à
la réduction des fractures incidentes. Pour les fractures vertébrales incidentes la réduction est de
65%, et elle est de 53% pour les fractures non-vertébrales, cependant aucun effet spécifique à la
hanche n’a pu être mis en évidence (88).

2.3.1.5 Le ranélate de strontium

Le strontium est un élément chimique de la même famille que le calcium, ce qui lui permet de se
substituer à ce dernier dans les cristaux d’hydroxyapatite. Il a été montré in vitro que la
substitution du calcium par du strontium avait des effets favorisant la formation osseuse et inhibant
la résorption (95,96). Cependant l’effet anabolique sur la formation osseuse n’a pas été mis en
évidence in vivo (97), si ce n’est lors d’une étude clinique très récente précisant l’effet formateur
du strontium sur l’augmentation de l’épaisseur de l’os cortical après 2 ans de traitement (98).
D’autres études cliniques sur les fractures ont montré un gain de la DMO sur 3 ans de 14% au rachis
et de 8% au col fémoral. La réduction de l’incidence des fractures vertébrales atteint est variable
de 38 à 52%, alors que pour les fractures non-vertébrales cette réduction est de 16%, et pas de
réduction statistiquement significative pour le col fémoral pris séparément dans la population
globale de l’essai TROPOS (88,97,99).
La prise de ranélate de strontium peut déclencher des éruptions cutanées dans les 3 à 6 semaines
suivant le début du traitement (incidence 2 à 3/100 000 patientes-année). Il s’agit d’une réaction
allergique grave qui peut entraîner l’atteinte d’un ou plusieurs organes, comme le foie ou le rein.
Dans ce cas très rare d’allergie au traitement, non décrite pendant les études cliniques, ce dernier
doit être arrêté immédiatement et être rapporté à un médecin (100). Au-delà des 6 semaines, la
tolérance au médicament est très bonne.

2.3.1.6 Le dénosumab

Le dénosumab est un traitement anti-résorptif comme les bisphosphonates, mais son mode d’action
est différent. Il s’agit d’un anticorps monoclonal de type IgG2 qui interagit sur le système OPGRANK-
RANKL décrit depuis 1995, qui régule la production, l’activité et la survie des ostéoclastes
(voir Chapitre 1, Figure 7) (15,21,101). Le dénosumab agit comme l’OPG est se lie au ligand RANKL
et prévient son interaction avec son récepteur RANK, situé sur la surface des ostéoclastes et des
pré-ostéoclastes. Ainsi la résorption ostéoclastique est diminuée ce qui permet un gain de masse et
de résistance osseuse par le prolongement de la période de minéralisation de l’os (101).
Les études cliniques ont montré un gain de DMO de 6,5% au rachis lombaire, et de 3,4% à la hanche
après 2 ans de traitement (102). Après 3 ans de traitement, d’autres résultats cliniques ont montré
une réduction de l’incidence des fractures vertébrales de 68%, et de 40% pour la hanche (103,104).
L’absence d’études comparatives ne permet pas de statuer sur la meilleure efficacité antifracturaire
du dénosumab par rapport aux autres produits (103).
A ce jour, les effets indésirables observés pendant le traitement sont similaires à ceux observés que
dans les groupes placebo. La commercialisation de ce nouvel anti-résorptif est proche, étant donné
son approbation récente en 2010 par les agences sanitaires européennes et américaines.

2.4 CONCLUSIONS

L’ostéoporose est une maladie systémique du squelette, qui induit des troubles du remodelage et
conduit à une perte osseuse systémique synonyme de fragilité. Il s’agit d’une maladie dont les
conséquences tant sur le plan social qu’économique en font un problème de santé publique majeur.
Le vieillissement de la population devrait amplifier les coûts engendrés par les hospitalisations
et/ou institutionnalisations dues à la maladie.
Les traitements existent et présentent une efficacité satisfaisante mais perfectible. Cependant, la
prévention au seul moyen de l’ostéodensitométrie est insuffisante. En effet, si le critère de la DMO
« T-score < -2,5 DS » permet de déceler une femme sur deux qui fera une fracture ostéoporotique,
l’autre moitié des femmes à risques sont ostéopéniques pour l’essentiel. Par ailleurs, les gains de
DMO associés à des traitements anti-ostéoporotiques sont relativement faibles comparés à leur
efficacité anti-fracturaire observée dans les études cliniques.
La seule mesure de la quantité osseuse est donc insuffisante en termes de prédiction des fractures.
Dans le chapitre suivant, nous aborderons la fragilité osseuse par ses aspects mécaniques, la
quantité osseuse n’étant qu’une partie au final de cette résultante physique qu’est la résistance
mécanique de l’os.
35

Posts les plus consultés de ce blog

LE TISSU OSSEUX

Traitement perte de cheveux sur la façon chinoise